La crise viticole : surproduction ou sous-consommation ?
Posté le 13/02/2025
L'apparente santé de la filière Vins & Spiritueux à l'export serait donc un leurre : dopée par ses produits de luxe – Grands Crus de Bordeaux et Bourgogne, Champagne, Cognac – sa base subit.(1) En Gironde, le CIVB a même arrêté de publier les cours du vrac plus d'un an tant ils sont descendus bas. Le nombre de producteurs est passé de 10.000 à 4.000 en 20 ans. On continue ?
Début 2024, l'érosion s’accentue : ce sont encore 300 viticulteurs qui jettent alors l'éponge. Une certaine concentration des surfaces sauvait les apparences mais les arrachages, plus de 10.000 hectares subventionnés et presque autant non subventionnés sur les 120.000 que compte la Gironde, commencent à bien se voir dans nos paysages. Le constat est sombre : certaines voix avancent qu'il faudrait encore arracher 20.000 à 30.000 hectares supplémentaires...(2)
« des voix soutiennent encore le parti d'une « sous-consommation », un terme mis en avant
il y a quelques années déjà par le célèbre négociant Michel Chapoutier »
Pour tenter d'expliquer la crise actuelle qui touche les vignobles Bordelais en particulier et français mais aussi mondial, deux postulats s'opposent. Celui d'une surproduction a progressivement pris le pas sur l'autre, par la force du principe de réalité, car les méventes et le surstockage dans les chais semblent bien aller dans le sens d’une surproduction. Au contraire, des voix soutiennent encore le parti d'une « sous-consommation », un terme mis en avant il y a quelques années déjà par le célèbre négociant Michel Chapoutier. Figure nationale, ancien président du syndicat viticole régional Inter-Rhône et du syndicat national des négociants (UMVin), cela mérite de s'attarder sur la question. L’ayant entendu précédemment de la part de viticulteurs, eux-mêmes responsables au sein de nos AOC viticoles, le professeur d’économie Jean-Marie Cardebat tient également ce discours, notamment dans le très bon podcast du journal Sud-Ouest, « Les Quatre Saisons du Vin ». L’occasion de peser les arguments théoriques de chacun.(3) Concrètement, à l'appui des chiffres, qu'en est-il précisément ?
Pour y répondre, dans un premier temps, nous allons faire une comparaison entre les niveaux de consommation et de production au regard du marché national. Le marché français permet-il d’absorber la production française ? Si ce n’est pas le cas, l’export qui est souvent présenté comme une solution évidente serait là pour absorber les surplus de la production nationale. Dans un second temps, nous porterons donc notre attention sur le marché mondial du vin, en comparant la consommation mondiale avec la production mondiale. En effet, à une époque où l’économie est devenue entièrement globalisée au cours des dernières décennies, il est indispensable d’évaluer les dynamiques de manière globale, sans quoi il ne peut pas y avoir de vision globale pour la filière. Ca tombe bien puisque, concernant la consommation et la production mondiales comme nationales, on dispose des chiffres des dernières décennies ! Chose curieuse mais intéressante pour vous si ce sujet vous intéresse : notre site est le seul à les mettre sérieusement en comparaison.
« Notre site est le seul à comparer sérieusement les niveaux de production et de consommation, au niveau national et au niveau mondial »
La situation en France : la production de vin dépasse la consommation nationale
Produit alimentaire consommé à chaque repas quotidiennement au cours des 30 Glorieuses, le statut du vin a évolué en même temps que sa qualité. Les vins de consommation courante ont quitté nos habitudes pour devenir un produit de consommation occasionnelle, le « vin de table » cédant progressivement le terrain aux vins de qualité supérieure. Les jeunes générations découvraient jadis le vin lors des repas intergénérationnels du dimanche, avec leurs parents sensibilisés et initiés eux-mêmes par leurs grands-parents. Nos modes de vie ont changé et les jeunes découvrent alors le vin par eux-mêmes, bien plus tard, et moins jeunes. Pour le meilleur ? Précisons-le au regard des campagnes de lutte anti-alcool ciblant trop souvent un ballon de rouge, les jeunes générations découvrent entre-temps tous seuls le très néfaste binge-drinking – d’ailleurs essentiellement avec des boissons industrielles importées. Qu’attendent donc les pouvoirs publics pour défendre notre terroir et recentrer les campagnes anti-alcool sur ces fléaux pour notre jeunesse ? Il faudrait d’ailleurs, en vertu de l’honnêteté intellectuelle, les renommer campagnes anti-alcoolisme. Fermons cette parenthèse pour revenir à notre sujet.
Que nous enseignent les chiffres sur l'évolution de la consommation de vin ces dernières décennies ?
La consommation nationale de vin en France : 25 millions d'hectolitres par an
La tendance est à la baisse depuis longtemps. Entre 1960 et 2019, en France, la consommation annuelle par habitant a été divisée par trois, passant de 120 litres à 40 litres et de 3,5 verres de vin bus par jour à 1 verre. Le budget des ménages consacré aux boissons a été réduit de 60% au cours de la même période et celui des boissons alcoolisées de 70%. Dans le même temps, la part des non-consommateurs de vins dans la population française a doublé (19% en 1980 contre 38% en 2005). Pour finir, la consommation de vin rouge a baissé de 32 % entre 2011 et 2021.(4)
En réalité, cette diminution de la consommation traduit une évolution des modes de consommation et non un désamour pour le vin. En effet, dans le même temps, les Français se sont montrés de plus en plus exigeants sur la qualité : ils boivent moins mais ils boivent mieux. Ainsi, la crise affecte avant tout les vins de consommation courante. A l'opposé, les grands crus n'ont jamais vu leur cours aussi élevé et la tendance reste à la hausse.(5) Entre les deux, soit une part importante de la production nationale, la situation est mitigée.
En effet, pour palier cette baisse de la consommation nationale, nos entreprises viticoles sont allées chercher de nouveaux clients à l'export. Ce qui ressemble à une solution devient un problème quand, au-delà de nos frontières, le contexte international est instable : Brexit, Covid, taxes Trump, lois et production (!) chinoises... De plus, beaucoup de pays ont aux aussi vu leur production viticole se développer et sont également partis à l'assaut les marchés internationaux, exposant nos producteurs à une concurrence de plus en plus forte. Rappelons la pénalité de nos entreprises françaises, dont viticoles, que représente un niveau de charges très élevé, face à leurs concurrentes étrangères. Et cela d’autant plus que face à eux, nos opérateurs affrontent souvent des entités démesurées, exploitant des milliers voire des dizaines de milliers d'hectares. Hormis pour les grands groupes, et encore, la lutte apparaît bien inégale. Franchement, nos vignerons ont bien d’autres raisons de se plaindre que la météo ! Au final, retenons ce chiffre clef : la France consomme 25 millions d'hectolitres de vin par an.(6)
La consommation nationale a donc constamment diminué ces dernières décennies pour tomber à 25 millions HL par an. Dans le même temps, quelle a été l'évolution de la production nationale et pour arriver à quel niveau ?
« En France, on consomme 25 millions d'hectos de vin par an
alors qu'on produit 40 millions d'hectolitres par an »
La production nationale de vin en France : 40 millions d'hectolitres par an
La production dépasse donc de loin la consommation. Passé ce constat, intéressons-nous d'abord à l'évolution des superficies viticoles, car c’est de là que part la (sur)production. Nous observerons ensuite plus en détail quelle production est issue de ces superficies.
– Des superficies viticoles en cours de réduction avec de nombreux arrachages
A Bordeaux, le vignoble représentait un peu plus de 80.000 hectares de vignes plantées au début des années 1980 avec une progression constante jusqu'en 2010 avec un pic à 140.000 hectares. avant de redescendre à 120.000 ha... A présent, on s'apprête donc à retourner à une situation intermédiaire, puisqu'en arrachant 10.000 hectares on sera autour de 110.000 ha, et peut-être plus près de 100.000 ha avec les hectares arrachés sans passer par les subventions d’aide. Mais selon certains, ce sont plutôt 30.000 ha qu'il faudrait arracher en Gironde pour réguler le marché, soit trois fois plus. Personnellement, je pense qu’il serait même cohérent de revenir au niveau historique de 1980 et d’initier une véritable politique de valorisation, à l’instar de la Bourgogne et de la Champagne. Sans cela, point de salut ! Pour la France, on parle d’arracher tout de même 100.000 ha sur une superficie totale de 700.000 ha ( - 15 % ) ! Pourtant étendu sur 876 000 ha en 2000, sa surface avait déjà diminué de 20% en 20 ans. On voit que cela n’a pas suffi et que certaines régions viticoles étaient déjà en crise. Peut-être en parlait-on moins car ce phénomène épargnait encore relativement les principaux vignobles.(7)
« Pour la France, on parle d'arracher tout de même 100.000 ha de vignes
sur une superficie totale de 700.000 ha ( soit -15% )...
Avec 876.000 ha en 2000, la superficie du vignoble national
avait déjà diminué de 20% en 20 ans »
Maintenant que nous avons cité les chiffres de la production nationale, mettons-les en relief avec ceux de la consommation nationale : si la consommation est inférieure à la production, c'est bien qu'il y a une surproduction. On peut imaginer qu'une année de petite récolte régule le marché. Mais après plusieurs récoltes fastes, une surproduction répétée sur plusieurs années va engorger et figer le marché. Les acheteurs sont saturés de stock et n’achètent plus, les chais sont pleins, les cours chutent… C'est exactement ce qui se passe en ce moment.
– La production nationale de vin oscille entre 34 et 46 millions d’hectos par an
Selon les estimations établies au 1er octobre, la production viticole s’élèverait en 2023 à 46 millions d'hectolitres (Mhl), soit un niveau équivalent à 2022. Comparativement à la moyenne 2018-2022 (44,5Mhl), la production 2023 serait supérieure de 3%.(8)
Si la moyenne de la production de vin nationale tourne autour de 40 millions d’hectos par an, ces écarts de niveaux constituent un problème de régularité qui pousse à planter davantage pour anticiper une éventuelle mauvaise récolte. Une illustration relayée avec le millésime 2021 par le site Vitisphere : « Avec -27 % de production nationale, les vins français se gamellent à 34,4 millions d’hectolitres. »(9)
Entre un minimum à 34 millions d'hectolitres et un pic à 46 millions, la production nationale tourne donc en moyenne autour de 40 millions d'hectolitres par an. Rappelons quel est le niveau de la consommation nationale des Français et se montre-t-il à la hauteur de cette production ? Sans quoi on comprend quel est le premier enjeu de l’export, alors même que son objectif ne doit pas être d’écouler à bas prix des excédents de production mais bien au contraire de valoriser celle-ci. Nous avons donné la réponse précédemment : 25 millions d’hectolitres par an.
Ainsi, même une année basse comme 2021 où la France a produit un minimum de 34 millions d'hectolitres de vin... elle en consomme bien trop peu – avec 25 millions – pour espérer épuiser les volumes produits au plan national (sans compter un minimum d'importations, tout de même 6 millions d'hectolitres, pour un total de 40 millions d'hectos consommés avec les vins importés). La réflexion semble donc naturellement nous orienter vers l'export afin de commercialiser ces excédents. Pourtant, le même scénario opère au niveau mondial, puisque là aussi la production excède largement la consommation.
La situation mondiale : depuis 25 ans, la production de vin dépasse la consommation
Vous aurez compris que, dans cette deuxième partie, notre intérêt sur le rapport entre la production de vin et sa consommation passe au niveau mondial. Comme en France, les vignobles du monde entier ont planté pour produire des volumes, mettant au second plan la valorisation des vins. Des pays comme l’Australie et l’Argentine, pour ne citer qu’eux, sont impactés aussi fortement.(10 ) En France, la baisse de la consommation s’explique avant tout par le retrait progressif des anciennes générations consommatrices de vins courants, premiers affectés par la crise. Outre cette cause propre à notre pays, qui touche également nos voisins européens producteurs de vin (Italie, Espagne…), une autre cause revêt un écho au niveau mondial. Les grands marchés que représentent notamment les Etats-Unis et la Chine sont en berne, pour des raisons sensiblement différentes, mais ce phénomène de ralentissement de leurs importations s’est amplifié avec la crise sanitaire de 2020. Dans un scénario de nette surproduction, voilà qui ébranle logiquement le marché mondial du vin.
« Dans un scénario de nette surproduction, chaque secousse
ébranle logiquement le marché mondial du vin. »
La consommation mondiale de vin est en diminution, vers 230 millions d’hectos
Depuis 2000, la consommation mondiale est relativement stable. Autrement dit, on pourrait considérer qu'elle n'augmente pas.
En réalité, elle tend à présent à diminuer. Elle a augmenté au début des années 2000, passant de 226 à 250 millions d'hectolitres consommés.(11) Générant probablement un effet d’entraînement avec des plantations destinées à soutenir la demande. En était-il besoin ? Pour le savoir, il faut se pencher sur le niveau de production mondial à la même période.
Après 2006, on peut vraiment parler d'une stabilisation jusqu'en 2019 car, pendant plus de 10 ans, elle tourne autour de 240 millions d'hectos. On voit donc qu'on a atteint un plafond en 2006, que le marché n'arrive pas à dépasser jusqu'en 2019, soit pendant 15 ans – une période qui apporte quand même une certaine visibilité. Après, l'inverse se produit et on peut y voir un lien avec la pandémie de Covid : la consommation mondiale de vin diminue vers 230 millions d'hectos en 2022.
Qu'en est-il de la production mondiale sur la même période ? Le site de statistiques Statista est un formidable outil et apporte une réponse éclairante sur la situation générale à l’échelle planétaire :
« En 20 ans, même à son plus haut niveau, la consommation mondiale de vin n'a jamais dépassé le plus bas niveau de la production mondiale. Illustration d'un phénomène de surproduction à l'échelle planétaire. »(11 bis) Autrement dit : nous sommes en surproduction chronique depuis plusieurs dernières décennies. CQFD. Alors que cette information est cruciale pour nos producteurs exportateurs, afin de mieux mesurer le poids de la concurrence internationale, quel est précisément le niveau de la production mondiale ?
« Le niveau de la surproduction mondiale est au moins de 20%
par rapport aux volumes consommés. »
La production mondiale de vin est stable, entre 250 et 300 millions d’hectos par an
Depuis 2000, si le niveau de la consommation mondiale a diminué lentement de 240 à 230 millions d’hectolitres annuels, la production mondiale de vin est plus ou moins stable, dirons-nous, puisqu’elle oscille entre 250 et 300 millions d'hectolitres par an.(12)
Nous avons là un premier problème : depuis 20 ans, la production mondiale de vin est donc supérieure à la consommation mondiale. Dans les grandes lignes, un rapide calcul permet de d’évaluer la surproduction mondiale de vin entre 10 % et 30 % par rapport aux volumes consommés. Même à son plus haut niveau, la consommation mondiale n'a jamais dépassé le plus bas niveau de la production mondiale. Alors que la consommation mondiale de vin oscille entre 230 et 250 millions d'hectolitres entre 2000 et 2020, la production mondiale de vin oscille entre 250 et 300 millions d'hectolitres. Soit un excédent mondial souvent à hauteur de 50 millions d'hectolitres ! Doit-on aller chercher plus loin les origines de la crise viticole actuelle ?
Non pour l'échelle macroéconomique mondiale, sur laquelle nos dirigeants nationaux n'ont aucune prise – si ce n’est d’alléger les charges qui handicapent nos entreprises, que ce soit à l’export ou sur le marché national, ciblé par des concurrents étrangers mieux armés. Mais au niveau microéconomique – celui de l'entreprise viticole, de l'Etat voire de l'Union Européenne - certaines décisions ont visiblement penché du mauvais côté. On pensera en France aux aides à la plantation ou encore au niveau de l’UE à la dramatique libéralisation des droits de plantation, permettant de planter autant qu’on veut où on veut !
Conclusions
Une surproduction de vin chronique, structurelle, au niveaux national et mondial
Les chiffres sont implacables et trahissent un excès de plantations en France et dans le monde. Cela fait donc plus de 20 ans que nous faisons face à une surproduction mondiale. Ainsi, comment compter sur de versatiles marchés étrangers pour absorber nos excédents de production ?
Conjoncturellement, des vents contraires convergent, accroissant les difficultés générées par la surproduction :
– Sur le marché américain, on pensera aux taxes Trump augmentant le prix de nos vins sur place, les rendant encore moins concurrentiels, sachant que les entreprises françaises subissent au risque de se répéter un véritable malus avec les charges qui pèsent sur elles en comparaison de la concurrence internationale. On pensera aussi à l’impact du covid : la consommation avait alors connu un coup d’arrêt avec la désertion/fermeture des établissements et les négociants ont alors placé leur trésorerie sur les grands crus les mieux valorisés, arrêtant d’acquérir la majorité des autres vins (en terme de valeur, et donc de trésorerie lorsqu’un achat est effectué par un importateur, une bouteille de premier cru classé peut représenter une palette d’un vin ordinaire de bonne qualité).
– En Chine, la période covid a eu le même effet sur les importateurs qui ont là aussi eu tendance à « sécuriser » leur trésorerie sur les vins les plus recherchés, dont la valeur augmente dans le temps. Depuis des lois anti-corruption en 2017, on avait déjà assisté à une baisse des importations chinoises, le parti communiste n’ayant plus de budget dédié au vin. Enfin, l’Empire du Milieu s’est mis à produire ses vins de consommation courante, devenant en quelques années seulement l’un des principaux producteurs mondiaux de vin.
- Au niveau international de manière générale, enfin, outre les deux principaux marchés exports des vins français, les vents contraires sont partout. Si le covid a poussé les négociants à sécuriser leurs trésoreries sur une minorité des grands crus onéreux, la guerre en Ukraine a eu son lot de conséquences : fermeture du marché russe, hausse de matières premières comme les métaux pour les capsules et surtout le verre pour les bouteilles, etc. Entre baisse des ventes et hausse des coûts, la boucle est bouclée et la coupe est pleine !
Mais le problème est d'abord structurel : oui, les chiffres sont implacables, on produit trop. Alors même que certaines régions et AOC et certains viticulteurs arrachaient, on libéralisait donc les droits de plantation dans l'Union Européenne. Cette contradiction, comme l'exposé qui précède, permet de comprendre en surface la crise que traversent actuellement le monde viticole et les vignobles du monde : une vision atomisée, depuis chaque exploitation, chaque AOC ou chaque région viticole menant sa propre réflexion et sa propre stratégie... une vue microéconomique, qui empêche d'avoir une vue d'ensemble sur la partie qui se joue, une vue macroéconomique. Au niveau international, cela s’appelle le jeu de la concurrence. Au niveau national, cela s’appelle se tirer dans les pattes. Dans un secteur ultra-morcelé où les guerres de clochers sont fréquentes, avec un peu de recul cela paraît naturel. Une vision davantage nationale paraît ainsi nécessaire et indispensable.
Cela mène à une autre réflexion : après l'aéronautique et la chimie, la viticulture est le 3e secteur français à l'export. Cette donnée est flatteuse sur le papier, car si elle fait apparaître à raison la filière viticole comme un fleuron de l’économie tricolore... elle est en réalité trompeuse sur l'état de santé de notre filière viticole et surtout de l’économie française en générale ! Face à la crise profonde que traverse ce fleuron de notre économie qu'est la viticulture, des questions émergent, tant notre fier coq français fait souvent penser à un poulet qui court sans tête. Comment expliquer plus longtemps - à l'instar du monde agricole dont la viticulture fait partie - les entraves qu'on lui impose ? Dans quel état est le reste de notre économie ? Au final, que font nos têtes pensantes ?
— — — — — — — — — — — — — — — Sources — — — — — — — — — — — — — — —
(1) Et encore, depuis que j’ai entamé la rédaction de cette publication il y a quelques mois… le vignoble de Cognac est rattrapé par le tourbillon et voit ses ventes chuter aux Etats-Unis, son marché principal, après des années de progression.
(2) : Personnellement, avant d’aller plus loin, je ferais juste remarquer que le Bordelais comptait un peu plus de 80.000 ha en 1980, et qu’on retournerait donc à un seuil historique, avant l'ouverture réelle au marché mondial. Depuis la même date, c’est précisément ce qu’ont fait la Bourgogne et la Champagne : conserver leur superficie d’origine (celle avant la mondialisation et le développement de la demande internationale) en restant autour de leurs 30.000 hectares respectifs. Ces vignobles ont ainsi pu mener une politique de valorisation en augmentant les prix de leurs vins quand la demande pour ceux-ci a augmenté. Quand la demande a augmenté, le niveau des prix aussi, donc les vins y sont devenus mieux valorisés... et les viticulteurs mieux armés face aux crises. A l'inverse, à Bordeaux pour parler de la région viticole que je connais le mieux, on a planté, maintenant les prix à un niveau bas - hormis grands crus et AOC réputées, dont les surfaces sont limitées.
(3) Jean-Marie Cardebat, professeur d’économie à Bordeaux, soutient qu’il y a une sous-consommation, selon moi une autre illustration de la différence entre la théorie et la pratique, car les opérateurs qui sont sur le terrain ont bien du mal à le vendre, leur vin, qu’on parle des petits domaines viticoles, des grandes caves coopératives ou des négociants. Dans la profondeur, son message est aussi là : quand le marché repartira, il manquera du vin car on aura trop arraché, et on aura perdu des parts de marché. D’accord, mais ces vins produits en grands volumes et vendus en vrac ne sont pas générateurs de valeur donc à quoi bon défendre un outil de production ayant perdu sa rentabilité ?
Sources : 2 épisodes intitulés « Des pistes provocantes pour sortir de la crise du vin » diffusés dans la Podcast Les Quatre Saisons du Vin sur le site du quotidien régional Sud-Ouest, une excellente émission pour les amateurs et professionnels du vin de Bordeaux en particulier, mais pas uniquement, de par les invités reçus - souvent des acteurs incontournables (Michel Rolland, Hubert de Bouard, etc) ou ancrés sur le terrain :
- épisode 1/2 : https://www.sudouest.fr/vin/podcast-ce-qui-pourra-sauver-bordeaux-c-est-la-concentration-estime-l-economiste-jean-marie-cardebat-14261045.php
- épisode 2/2 : https://www.sudouest.fr/podcasts/quatre-saisons-du-vin/podcast-des-pistes-provocantes-pour-sortir-le-vin-francais-de-la-crise-14330242.php
Si vous désirez avoir plus rapidement un état des arguments en faveur d’une sous-consommation du vin plutôt que d’une surproduction, voici quelques articles publiés sur Vitisphere. Accompagné d’un autre économiste, Fabrice Chaudier, plaidant comme lui contre l’arrachage des vignes, Jean-Marie Cardebat y expose ses arguments en faisant le tour de la question :
(4) Source – Enquête Kantar pour RTL relatée par Le Figaro :
https://avis-vin.lefigaro.fr/economie-du-vin/o152697-des-francais-plus-sobres-mais-plus-connaisseurs
(5) Et encore, le dernier bastion fissure car même la dernière campagne primeurs des Grands Crus de Bordeaux a montré des signes de faiblesse de manière inédite.
Source : Mettre un lien vitisphere par exemple ou media national comme Point, Monde, Figaro
(6) Source – France AgriMer :
https://www.franceagrimer.fr/content/download/70381/document/FICHE_FILIERE_VIN_2023.pdf
(7) Source – Le Sénat :
https://www.senat.fr/rap/r01-349/r01-3492.html
(10) Concernant l’Argentine, on voit que les petits domaines ont voulu se développer comme leurs homologues bordelais, en plantant davantage et en exportant... avec les mêmes conséquences :
- https://www.vitisphere.com/actualite-95640--en-argentine-les-vignerons-voient-leur-rentabilit-chuter.html
- https://www.vitisphere.com/actualite-98309-la-flambe-des-cots-de-production-ne-touche-pas-que-les-vins-de-france.html
En Australie, où la filière est partagée entre viticulteurs-producteurs de raisin et négociants-producteurs de vin c’est différent ; des groupes dont les ventes permettaient d’exploiter des milliers d’hectares arrêtent d’acheter du raisin aux viticulteurs… les entraînant dans leur sillage :
- https://www.larvf.com/france-italie-australie-la-planete-vin-ralentit,4872742.asp
- https://www.vitisphere.com/actualite-103462-comment-la-filiere-vin-en-australie-fait-face-a-la-baisse-des-ventes.html
(11) et (11 bis) Source : https://fr.statista.com/statistiques/559704/vin-consommation-monde/
(12) Source : https://fr.statista.com/statistiques/577743/vin-volume-production-monde/
NB : Statista est un outil en ligne, donc facilement accessible, et une mine précieuse d’informations dans laquelle nos dirigeants à tous niveaux devraient puiser pour avoir une meilleure vue de la situation globale et orienter leur réflexion, pour dégager une meilleure vision et prendre de meilleures décisions.