La définition du terroir et son lien avec le vin
Posté le 28/01/2013
Souvent, quand on entend parler du terroir, on a l’impression que celui qui emploie ce mot désigne uniquement le sol sur lequel pousse la vigne. Une définition un peu légère car de la même manière que le vin ne se boit pas seul, il ne se fait pas non plus tout seul. La définition retenue parl’Organisation Internationale du Vin(*) est plus complète :
« Le « TERROIR » vitivinicole est un concept qui se réfère à un espace sur lequel se développe unsavoir collectif, des interactions entre un milieu physique et biologique identifiable et les pratiquesvitivinicoles appliquées, qui confère des caractéristiques distinctives aux produits originaires de cet espace. Le « TERROIR » inclut des caractéristiques spécifiques du sol, de la topographie, du climat, du paysage et de la biodiversité. »
C’est un peu indigeste présenté ainsi mais cette définition a le mérite de tenir compte de tous les éléments qui ont un réel impact sur l’identité des vins :
- la région de production, et à partir de là…
- les éléments naturels qui caractérisent cette région, comme le climat, le relief, ou encore le sol(sa composition)
- l’identité collective des producteurs au sein de cette région, qui englobe les pratiques culturales et le savoir-faire, celui-ci concernant la partie viticole (sélection des cépages, culture de la vigne, production du raisin) ainsi que la partie vinicole (la fabrication du vin, production du vin, dans les chais)
Autrement dit, le terroir recouvre des facteurs naturels mais également des facteurs humains. En effet, ceux-ci sont déterminants dans l’identité des vins alors que pour certains, seul le sol désigne le terroir. Pour moi, cet élément renvoie plutôt au potentiel qualitatif ou à un critère identitaire, la nature de deux sols différents modifiant la personnalité d’un vin produit dans les mêmes conditions (par exemple le Merlot supporte mieux l’humidité des terres argileuses que le Cabernet-Sauvignon).
En revanche, que la définition de l’OIV ne tienne pas compte du sous-sol de manière explicite n’est pas forcément gênant pour deux raisons : premièrement, on peut considérer qu’une conception large du sol recouvre celle, plus précise, de sous-sol ; deuxièmement, une même appellation, une même propriété voire une même parcelle a parfois plusieurs sous-sols très différents.
Toutes ces précisions sont importantes car le terroir a un sens bien précis : il renvoie à la typicité des vins, c’est-à-dire ce qui fait leur identité et permet de rattacher un vin à sa région d’origine, donc de le reconnaitre et de s’assurer qu’il correspond aux standards qualitatifs de sa région de production, voire de son appellation. D’ailleurs, la notion des appellations d’origine contrôlée qui est définie dans notre Code de la consommation (article L 115-1) inclut celle de terroir. Dans les pays dits Nouveaux producteurs, les nombreuses cuvées monocépages(**) indiquent clairement qu’une conception différente domine, certainement parce que si la technique est maintenant la même partout, la culture du vin est beaucoup plus jeune dans ces pays.(***)
Chez nous, en France, beaucoup de viticulteurs se revendiquent de leur terroir, d'une fidélité à celui-ci, en affichant l’ambition (naturelle) de produire un vin respectueux de l’identité de ce terroir précis. Le bon côté, c’est que cela va dans le sens de la qualité : le dégustateur averti peut reconnaitre l’origine d’un vin si celui-ci est respectueux de son terroir, conforme à celui-ci. Un côté moins appréciable est celui d'une éventuelle standardisation des vins, à force de trop vouloir se rapprocher d’un idéal.
Dans cet ordre d’idées, on considère généralement qu’un élevage trop marqué par le bois masque le terroir du vin. On parlera de vin technique s’il est bien vinifié, mais ne permet pas au dégustateur de savoir dans quelle région ou pays il a été produit, cet aspect boisé dominant les autres caractéristiques.
(*) L’OIV a adopté cette définition au cours du 33e Congrès Mondial de la Vigne et du Vin et de sa 8eAssemblée générale qui se tenaient à Tbilissi en Géorgie du 20 au 25 juin 2010, validée à l’unanimité par ses 43 Etats membres.
(**) On parle de vin monocépage quand celui-ci est issu d’une seule variété de vigne ou de raisin, et d’assemblage quand le vin produit est issu de plusieurs variétés.
(***) En fait, la pratique du monocépage est légitime quand elle est le fruit d’une évolution historique incluant une sélection sur plusieurs générations, comme en Bourgogne (Pinot Noir) ou dans la Loire (Cabernet Franc) ; c’est quand le cépage est le mot le plus gros sur l’étiquette que cela devient gênant. De nombreuses régions des pays « Nouveaux producteurs » ont simplement tenté de faire du Bordeaux (ou du Bourgogne), partout dans le monde, en pensant qu’il suffisait d’utiliser les mêmes cépages pour y arriver. Un excellent sol permet parfois de faire des merveilles, mais le Bordelais est une région où c’est tout le niveau global qui est élevé : comme d’autres en France et dans le Vieux Monde, on y trouve une conciliation entre la modernité et une longue tradition.
Pour aller un peu plus loin, mieux comprendre le rôle primordial de l'homme, voici un excellent article intitulé Assemblage ou mono-cépage, une question de latitude vinicole ?(malheur dans lequel l'auteur explique pourquoi la question du cépage est secondaire à celle du terroir.
Et pour aller encore plus loin, l'Association des Sédimentologistes Français a mis en ligne un article intéressant qui éclaire le rôle joué par le sol sur l'identité des vins, intitulé Géologie et Typicité des vins de Bordeaux