Quelle différence entre un bon vin et un grand vin ?
Posté le 26/05/2013
Cette question qui consiste à différencier le bon vin et le grand vin appelle une réponse dont la subtilité est susceptible de rappeler la différence entre un bon chasseur et un mauvais chasseur. Une chose est sûre, il y a des bons vins. Mais parmi eux, lesquels sont des grands vins ? Rassurez-vous, si les goûts et les couleurs ne se discutent pas, cet article sera plus précis et moins confus que le sketch des Inconnus. Avec le vin, on ne plaisante pas !
A vrai dire, il est peut-être plus simple de comparer ce qui est comparable. Cela reviendrait donc à faire la part des choses au sein de chaque catégorie, en comparant uniquement les vins de table entre eux, les vins d'AOC entre eux, et en séparant en leur sein les Bordeaux, les Bourgogne, les Champagne, etc. Admettons, toutefois si les bulles trahissent le vin pétillant en dégustation à l'aveugle, il s'avère parfois beaucoup plus difficile pour les autres de dire si on a affaire à un vin d'une région précise (ou d'une sous-région, surtout si on ne la connait pas). Évidemment, quand on a connaissance du prix du flacon, ça parait beaucoup plus simple. Encore que, finalement, on peut toujours être déçu.
Alors, telle est la question, comment différencier un bon vin d'un grand vin ? Il y a bien quelques pistes à suivre me direz-vous - et vous avez raison ! Il y a des éléments sur lesquels tous les amateurs seront certainement d'accord. Sommairement, nous pouvons donc présenter les choses ainsi : la première qualité d'un vin est son équilibre, la deuxième est sa complexité (un terme au nom bien choisi car la complexité est plus... complexe à aborder), et la troisième est sa persistance.
Effectivement, le mérite d'un vin peut d'abord s'apprécier selon son équilibre. Celui entre les différents éléments du vin : tannins, alcool, acidité. A l'occasion, j'y reviendrai en publiant un schéma explicatif de l'équilibre entre ces différents composants. Mais l'équilibre recherché est également celui entre les saveurs, celles fruitées et celles boisées. Les premières étant issues directement du raisin et les secondes de l'élevage, on considère à juste titre que le boisé ne doit pas dominer le fruité, car cela se fait alors au détriment de l'authenticité du vin. Un grand vin aura tendance, du fait d'un élevage plus long, à être davantage boisé. S'il l'est trop, et que le fruit est effacé, ou rendu imperceptible, soit on a mal travaillé, soit on a pêché par orgueil en prétendant faire un grand vin... Ce critère de l'équilibre vaut finalement de manière générale, aussi bien pour un petit vin, un vin ordinaire, sans prétention, qu'un bon vin ou un grand vin. Qu'est-ce qui peut donc différencier un petit vin d'un bon vin ?
Nous y sommes, la complexité est l'apanage des bons vins. On peut aussi parler de finesse. Dans ce cas, le vin se distingue par toute une palette d'arômes et de sensations tactiles. A la base, le vin a des arômes fruités. L'élevage apporte du bois (et divers arômes liés : cacao, vanille, tabac, etc., et parfois planche de chêne, mais là c'est grossier et on retombe dans l'ordinaire). Souvent, un petit bouquet d'épices couronne le tout, pour une belle impression finale. Afin d'apprécier pleinement cette palette d'arômes, un temps d'aération s'avère généralement nécessaire. C'est le rôle de la mise en carafe, traitement de faveur auquel n'a pas droit le vin de table. Vous aurez remarqué qu'on sert celui-ci dans un pichet : il n'a pas besoin de s'ouvrir, il donne spontanément tout ce qu'il a et c'est d'ailleurs tout ce qu'on lui demande.
Au-delà des arômes, ce qui rend complexe un vin, et on en revient à l'équilibre, c'est l'expression des qualités des divers éléments qui le composent et on parle là des sensations tactiles. Complexe, le vin doit rester équilibré : aucun élément ne domine alors les autres traits de sa personnalité. Si un vin a beaucoup de corps sans être trop dur, de tannins sans être trop astringent, de gras sans être trop lourd, que l'acidité lui donne juste ce qu'il faut de caractère (entre nous j'ai du mal avec l'acidité, encore cette histoire des goûts et des couleurs !)... alors ça commence à devenir intéressant. Mais, qu'a-t-il en plus, le grand vin ?
Finalement, et c'est pour moi un véritable indice de grandeur, la persistance du nectar permet, si les conditions précédentes sont réunies, de distinguer les grands vins. Elle s'apprécie en fonction du goût, mais aussi de l'équilibre et de la complexité de ses constituants. Mieux vaut qu'elle soit fraiche et douce, légèrement astringente, plutôt que lourde et acide, ou râpeuse (il y a des vins qui donnent notre langue au chat). On parle aussi de finale, à juste titre puisque c'est la dernière impression qui reste en bouche une fois la gorgée avalée. La sensation d'un vin ordinaire dure quelques secondes tout au plus, beaucoup de vins sans caractère tombant directement dans l'oubli (ainsi le vin de table qui s'efface illico presto). Un bon vin - vraiment bon - peut rester en bouche une trentaine de secondes. C'est déjà un grand vin. Au-delà d'une minute, on est dans l'ordre de l'exceptionnel. La longueur (de la persistance) est donc un indice supplémentaire de la qualité d'un vin.
Ces réflexions faites, j'ai pu lire ou entendre ici ou là (comme sur le forum de La Passion du Vin) qu'unautre critère déterminant est l'émotion que procure le vin au moment de sa dégustation. On en revient à une approche subjective (les goûts et les couleurs...), néanmoins il arrive - même si cela est rare - que certains vins fassent consensus autour de leurs exceptionnelles qualités. Là encore, pas à chaque fois, ou pas à chaque millésime. La constance dans la performance, tel est donc certainement le critère ultime. Les plus grands vins du monde, les meilleurs, sont ainsi au top à chaque millésime.